Département longtemps porté à gauche, l’Aisne a vu son électorat devenir de plus en plus volatil depuis le ralliement d’une partie de ses élus socialistes et radicaux à Valéry Giscard d’Estaing après l’adoption du Programme commun.
Aux législatives de 1988, le PS domine largement le nord-est rural (Thiérache) et les centres industriels de Soissons, Chauny et Tergnier. La droite est concentrée au sud, région de grandes exploitations agricoles, derrière le conseiller général radical valoisien André Rossi. Les communistes s’imposent dans le bassin industriel de Saint-Quentin. Seule la 1ere circonscription, autour de la préfecture Laon, semble plus indécise. Le maire gaulliste Jean-Claude Lamant arrive au coude à coude, au premier tour, avec son éternel rival socialiste René Dosière. Un duel qui tourne à l’avantage de ce dernier.
Le coup de barre à droite de 1993 laisse tous les députés de gauche sur le carreau, à l’exception de Jean-Pierre Balligand, dans son fief de Thiérache.
Globalement, la bonne progression du FN depuis 1988, qui dépasse 10 % dans toutes les circonscriptions, sauf la 3e, profite à la droite, notamment à Jean-Claude Lamant dans la 1ere et Charles Baur dans la 2e.
Le mouvement de balancier de 1997 inverse la situation. La droite est sévèrement battue dans les quatre premières circonscriptions. A Saint-Quentin, le PCF, en tête au premier tour en 1988, doit se contenter de la quatrième position, derrière le FN, laissant son siège historique à la socialiste Odette Grzegrzulka. En revanche, dans la 4e, la PS Dominique Craighero dut se désister en faveur du chevènementiste Jacques Desallangre, maire de Tergnier, mieux placé pour l’emporter face à Emmanuelle Bouquillon. A noter aussi que Renaud Dutreil, député depuis le décès d’André Rossi en 1994, sentit passer le vent du boulet dans la 5e. Fortement chahuté au premier tour par le maire PS de Château-Thierry Dominique Jourdain, il sort vainqueur de la triangulaire du second tour avec la conseillère régionale FN Colette Fecci-Pinatel.
En 2002, la gauche résiste plutôt bien à la vague bleue. Seule Odette Grzegrzulka, victime de sa trop faible implantation, chute face au RPR Xavier Bertrand. Dans la 1ere circonscription, René Dosière bat facilement un Jean-Claude Lamant en délicatesse avec son parti et Jacques Desallangre, dans la 4e, profite du manque de leader de droite depuis le retrait d’Emmanuelle Bouquillon. A noter aussi qu’il est le seul député chevènementiste réélu. Ayant quitté le Pôle républicain, il choisira de siéger au groupe communiste.
Les législatives de 2007 se caractérisent par une grande stabilité. A première vue, les fiefs sont solides. La droite reste dominante dans le Sud et la personnalité de Xavier Bertrand, ministre de Jacques Chirac, porte-parole puis ministre de Nicolas Sarkozy, garantit son emprise sur le bassin de Saint-Quentin. La division de la gauche dans la 1ere circonscription n’empêche pas René Dosière, en délicatesse avec le PS, de retrouver son siège. Pas d’usure apparente pour Jean-Pierre Balligand et Jacques Desallangre, malgré l’ancienneté du premier et l’âge du second.
La vague rose fait retrouver à la gauche son niveau de 1988 et 1997. Les différentes sensibilités en profitent pour renouveler leurs cadres. Dans la 3e, le maire socialiste de Bohain-en-Vermandois Jean-Louis Bricout succède sans peine à Jean-Pierre Balligand, avec cependant un « petit » 54,3 % en deçà des scores habituels de son prédécesseur à chaque vague rose. L’écart est un peu plus faible pour la chevènementiste Marie-Françoise Bechtel, mais elle succède sans encombre à Jacques Desallangre, passé depuis au PG de Jean-Luc Mélenchon, dans la 4e, après un premier tour marqué par les scores importants du Front de gauche et du PRG. Les radicaux, justement, remettent de leur côté la main sur leur vieux fief de Château-Thierry, le nouveau maire Jacques Krabal remportant la triangulaire l’opposant à la sortante UMP Isabelle Vasseur et au conseiller régional FN Franck Briffaut. De triangulaire il fut également question dans la 1ere, mais mettant en jeu René Dosières, qui n’avait pas obtenu l’investiture du PS, à la centriste Aude Bono et au candidat socialiste officiel, le conseiller général Fawaz Karimet. Obtenant près de 10 000 voix de plus que ce dernier, et dépassant d’environ 1500 la candidate de droite, René Dosière rempile pour un cinquième mandat (dont quatre consécutifs), surfant sur son image d’ »incorruptible », dans une circonscription guère plus marquée à gauche que ses voisines. Le seul poids lourd local de la droite, Xavier Bertrand, tient bon dans la 2e mais, avec seulement 222 suffrages d’avance sur la conseillère régionale PS Anne Ferreira, l’ancien ministre aura senti passer le vent du boulet. Pour cette législature, la zone de force de la droite s’est repliée vers le nord, de la Brie vers le bassin de Saint-Quentin.

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Chronologie des députés
1 LAON
1988 René DOSIERE (soc.)
1993 Jean-Claude LAMANT (RPR)
1997 René DOSIERE (soc.)
2 SAINT-QUENTIN
1988 Daniel LE MEUR (com.)
1993 Charles BAUR (UDF)
1997 Odette GRZEGRZULKA (soc.)
2002 Xavier BERTRAND (UMP)
2004 Pascale GRUNY (app. UMP)
2009 Xavier BERTRAND (UMP)
2010 Pascale GRUNY (UMP)
2012 Xavier BERTRAND (UMP)
3 HIRSON
1988 Jean-Pierre BALLIGAND (soc.)
2012 Jean-Louis BRICOUT (soc., rép. et cit.)
4 SOISSONS
1988 Bernard LEFRANC (soc.)
1993 Emmanuelle BOUQUILLON (UDF)
1997 Jacques DESALLANGRE (rad., cit. et V.)
2012 Marie-Françoise BECHTEL (soc., rép. et cit.)
5 CHÂTEAU-THIERRY
1988 André ROSSI (UDF)
1994 Renaud DUTREIL (UDF)
2002 Daniel GARD (UMP)
2007 Isabelle VASSEUR (UMP)
2012 Jacques KRABAL (rad., rép., dém. et prog.)
Bien qu’ayant enlevé le département à la droite en mars 1998, la gauche n’en a tiré aucun bénéfice aux sénatoriales de septembre de la même année. La faute au maintien des Verts au second tour et surtout à la présence de l’atypique conseiller général Jacques Pelletier, membre de l’Association des démocrates créée en 1988 par Michel Durafour, qui a récupéré son siège obtenu en 1989 mais abandonné après son entrée au gouvernement Rocard.
Son décès en 2007 ouvre une opportunité à la gauche qui a fait basculer Soissons aux municipales de 2008. Les sénatoriales qui suivent voient pourtant Pierre André et Antoine Lefèvre, maires UMP de Saint-Quentin et Laon, prendre deux des trois sièges au premier tour. Le président socialiste du conseil général doit attendre le second tour pour souffler le troisième à la maire divers droite de Vailly-sur-Aisne Annick Venet, grâce notamment au désistement des autres candidats de gauche.
Le passage à la proportionnelle en 2014 ne modifie pas les grands équilibres: un siège au président du conseil général Yves Daudigny, un siège au maire de Laon Antoine Lefèvre, et un siège au bassin de Saint-Quentin, avec Pascale Gruny, suppléante de Xavier Bertrand, qui succède à Pierre André.
Chronologie des sénateurs
1959 René BLONDELLE (cent. rép. act. rur. et soc.); Jean DEGUISE (MRP); Louis ROY (UNR)
1962 René BLONDELLE (cent. rép. act. rur. et soc.); Jean DEGUISE (MRP); Jacques PELLETIER (gauche dém.), 1966-1971; Louis ROY (UNR), 1962-1966
1971 Jacques BRACONNIER (UDR); Gilbert DEVEZE (RI); Paul GIROD (gauche dém.), 1978-1980; Jacques PELLETIER (gauche dém.), 1971-1978
1980 Jacques BRACONNIER (RPR); Paul GIROD (gauche dém.); François LESEIN (gauche dém.), 1988-1989; Jacques PELLETIER (gauche dém.), 1980-1988
1989 Jacques BRACONNIER (RPR); Paul GIROD (ras. dém. eur.); François LESEIN (ras. dém. eur.)
1998 Pierre ANDRE (RPR); Paul GIROD (ras. dém. soc. eur.); Jacques PELLETIER (ras. dém. soc. eur.)
2008 Pierre ANDRE (UMP); Yves DAUDIGNY (soc.); Antoine LEFEVRE (UMP)
2014 Yves DAUDIGNY (soc.); Pascale GRUNY (UMP); Antoine LEFEVRE (UMP)